la tempesta

“Tu fais de ma vie quelques chose d’irisé. Tu es entrée dans ma vie comme on arrive dans un royaume ou toutes les rivières attendaient ton reflet et toutes les routes tes pas.(…) Tu es la seule personne avec qui je peux parler de la nuance des nuages.” VLADIMIR NABOKOV, ” Lettres à Véra”

la tempesta 2022 © Sabrina Aureli

L’artiste – qu’il soit sculpteur, peintre, acteur, poète ou musicien – est d’une telle importance pour l’existence des hommes, et si indispensable à l’être humain, qu’aucun peuple, aucun groupe humain ne peut vivre sans art et sans artiste. On n’a, jusqu’à aujourd’hui, jamais trouvé nulle part de peuple qui soit sans art. Même le peuple le plus primitif voit naître un art et des artistes. Il y a des peuples sans religion; mais il n’existe pas de peuple sans art. C’est pour l’homme un besoin vital d’enrichir et d’enjoliver la vie, parce que c’est là le seul moyen d’échapper au prosaïsme du quotidien. La quotidienneté, en effet, étouffe l’homme, engourdit ses sensations, ses espoirs, ses idéaux, ses pensées, au point que toute vie perd sa valeur et que la phrase la plus désespérante exclame strictement : « Pourquoi vivre ? ». Ce n’est pas la religion, mais bien l’artiste qui pose à l’homme cette question et lui répond par une si forte volonté de vivre et une capacité de création dont la puissance vient de tellement loin  que cette question elle-même périt sur les lèvres de l’homme.
(…) L’artiste n’a pas à être mon dieu, ni une autorité, ni une figure supraterrestre qui me serait inaccessible et existerait cachée derrière les nuages hors de mon monde. L’artiste doit, dans son œuvre, me révéler qu’il est mon frère terrestre, qu’il est sujet à autant d’adversité que moi, plein de désirs comme moi, qu’il est porté par l’élan de se libérer des chaînes mentales comme moi et bourré de pulsions et de lacunes comme moi. L’unique chose que je doive ressentir à son endroit, c’est de lui être reconnaissant de savoir exprimer avec pertinence, par la musique, la couleur, la pierre, la parole, la représentation, ce qui touche mon âme et ce que j’essaie d’exprimer depuis le premier éveil de ma conscience de n’importe quelle manière, sans y parvenir. Il n’y a que l’artiste pour nous rendre hommes et nous faire consciemment sentir que nous sommes hommes. B. TRAVEN, “Tous les hommes dont les larmes débordent”.

Que tu sois environné par le chant d’une lampe ou par la voix de la tempête, par le souffle du soir ou le gémissement de la mer, toujours veille derrière toi une vaste mélodie, tissée de mille voix, ou de temps à autre seulement ton solo trouve sa place. Savoir quand tu dois intervenir dans le choeur, c’est le secret de ta solitude : de même que c’est l’art de la relation véritable : se laisser tomber de la hauteur des mots dans l’unique et commune mélodie. Rainer Maria RILKE



la Penitenza

Miracles et messies sont des outils pour dieux maladroits, incapable d’intervenir discrètement. Bernard Weber

la Penitenza © Sabrina Aureli

“Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie …

On a beau dire « dansons », on n’est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion.

Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience.

L’Ame et le corps : l’âme n’est ni au dessus ni au-dedans elle est « avec », elle est sur la route, exposée à tous les contacts, les rencontres, en compagnie de ceux qui suivent le même chemin, sentir avec, saisir la vibration de leur âme et de leur chair au passage, c’est le contraire d’une morale de salut. Il faut enseigner à l’âme à vivre sa vie, non pas à la sauver.”

Gilles Deleuze et Claire Parnet

In ogni tempo e in tutti i paesi, la grande maggioranza degli uomini trova assai più facile elemosinare il cielo con le preghiere che guadagnarselo col proprio operare. Arthur Schopenhauer